Vieille photo de laveuses qui nettoient le minerai.

À Pont-Péan, ne devrait-on pas parler de Matrimoine, plutôt que de Patrimoine ? 

La baronne de Beausoleil : une pionnière oubliée ?

les lampistes nettoyent et rechargent les lampes des mineurs

L’histoire minière de Pont-Péan s’ouvre avec une femme d’exception : Martine de Bertereau, baronne de Beausoleil. En 1628, avec son époux, elle découvre un gisement majeur de galène (plomb argentifère) entre Pont-Péan et Bruz. Leur méthode, innovante, mêle prospection géologique et techniques de sourcier. Mais en 1630, le couple est accusé de sorcellerie, emprisonné et expulsé de Bretagne, sans avoir pu exploiter leur découverte. Leur histoire, tragique, illustre le sort réservé aux femmes dans l’histoire des sciences et de l’industrie : invisibilisées, suspectées, privées de reconnaissance.

Pourtant, c’est bien leur travail qui a permis l’essor de la mine de Pont-Péan, devenue au XIXe siècle le premier site extracteur de plomb argentifère de France. Un héritage qui mériterait d’être célébré comme un matrimoine – ce patrimoine transmis par les femmes – trop souvent effacé des récits officiels.

Une concession féminine : la marquise de Bréhan

En 1829, la marquise Jeanne-Françoise-Chantal de Crécy de Bréhan obtient la concession de la Mine de Pont-Péan. Cependant, les travaux ne reprennent qu’en 1844, d’abord en surface, puis en profondeur à partir de 1852. À la fin du XIXe siècle, la mine de Pont-Péan devient le premier site extracteur de plomb argentifère du pays, fournissant à elle seule les 80% de la production nationale de galène.

Les femmes et jeunes filles au tri et lavage : l’ombre des mines

les laveuses nettoyent le minerais de leurs impuretés

Derrière les chevalements et les records de production, des centaines de femmes, de jeunes filles, voire d’enfants, ont assuré pendant des décennies le fonctionnement quotidien de la mine. Laveuses, trieuses, cantinières… Leur rôle était indispensable, pénible et invisible. Elles passaient des heures courbées sur des tables de tri ou dans les laveries, nettoyant et séparant le minerai des impuretés, exposées au froid, à l’humidité et aux produits toxiques. Pourtant, leur contribution était essentielle : sans leur minutie, il n’aurait pas pu être possible de valoriser la galène de Pont-Péan.

Ces ouvrières anonymes, comme la baronne et la marquise avant elles, sont souvent les grandes absentes de l’histoire minière. Leur mémoire, aujourd’hui portée par des passionnés locaux, commence seulement à être réhabilitée.

Pont Péan au fil du temps

Parmi ceux qui ont œuvré pour préserver et transmettre cette histoire, Jean-Pierre Cudennec, historien local et passionné, a consacré une grande partie de sa vie à documenter et à raconter l’épopée minière de Pont-Péan à travers son site « Pont-Péan au fil du temps » (lien vers le site). Son travail, rigoureux et accessible, permet toujours de découvrir ou redécouvrir le passé industriel et humain de la commune. Bien qu’il nous ait quittés, son héritage perdure : une mémoire vivante, partagée, qui continue d’inspirer les projets de valorisation du matrimoine local.

Aujourd’hui, des initiatives locales, comme les Journées Européennes du Patrimoine ou les travaux de l’association Galène et de Jean-Pierre Cudennec, permettent de redécouvrir ces histoires. Pourquoi ne pas renommer ces journées à Pont-Péan : Journées Européennes du Matrimoine et du Patrimoine ?

Transmettre l’histoire

Autre signe encourageant : les travaux de restauration du bâtiment administratif de la mine, témoin emblématique de cette histoire, ont débutés en 2025. Classé à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, ce lieu chargé de souvenirs deviendra bientôt un espace dédié à la culture, aux associations, à l’histoire minière et on le souhaite, à celle des femmes qui y ont travaillé. Une belle opportunité pour intégrer pleinement le matrimoine dans le récit local, et pour que les visiteurs découvrent enfin toute la diversité des acteurs de cette aventure industrielle.

Parler de matrimoine, c’est reconnaître que l’histoire ne se construit pas seulement avec des héros masculins. À Pont-Péan, l’Espace Beausoleil met déjà à l’honneur la baronne de Beausoleil. Mais il faut aussi mettre en avant les laveuses et trieuses de minerai, et toutes celles qui ont contribué à l’histoire minière. En valorisant un héritage féminin aussi riche que celui des ingénieurs ou des industriels, les générations futures pourront s’inspirer de ces femmes actrices de l’histoire, même dans des milieux hostiles comme l’industrie minière.

De même l’association Galène vient de faire des propositions de noms de rues acceptées par la municipalité, il faut les remercier pour ce travail de recherche 👍, cela permettra sans aucun doute de voir bientôt des noms de rues plus féminins comme les Laveuses, les Trieuses ou les Cantinières. 

Ainsi, la mine de Pont-Péan ne serait plus seulement un symbole important du passé, mais aussi un symbole d’égalité dans la transmission de l’histoire pour les générations futures.

Le bâtiment administratif de la mine en travaux